Le village de Mont-Godinne

LE SOUS-SOL MONTOIS

La vallée sèche de Mont-Godinne et la vallée convergente du Fond d'Hestroy constituent un ensemble karstique de tout premier plan en Belgique. Leur sous-sol renferme en effet, rassemblés en quelques kilomètres, 8 gouffres parmi les plus profonds de Belgique et 4 grottes, dont deux dépassent le km de développement, en plus de nombreuses pertes et dolines où des cavités restent sans doute encore à découvrir. C'est avec le massif de Boine à Han-sur-Lesse et le Vallon des Chantoirs à Remouchamps  une des régions du pays où les phénomènes karstiques sont les plus riches et les plus typiques.

D'altitude moyenne nettement supérieure à celle du fond d'Hestroy, le vallon de Mont s'allonge suivant une direction E-O sur environ 3 km et s'étend jusqu'au bois de Ronchinne à l'altitude de 240 m. Près de 46 phénomènes karstiques y ont été recensés, dont 13 pertes et 5 cavités. Fait paradoxal, les inconvénients qui ne manquent pas de résulter de cette situation, le village de Mont est établi dans cette vallée en suivant grossièrement le tracé des couches calcaires.

Rendons hommage à Bernard Magos qui a découvert et exploré le trou Bernard en 1949 (140 m de profondeur) et le trou de l'Eglise en 1950 (82 mètres de profondeur). Dans "Cordées de nuit", voici comment Bernard Magos narre sa première descente dans la grotte de l'Eglise.

"Le 6 avril 1950, une faille assez large pour livrer passage s'ouvre au ras du sol. Elle descend obliquement sur 15 mètres et débouche dans un couloir sinueux.Sur la gauche de ce dernier, se voit un étroit goulot qu'emprunte un ruisseau souterrain les jours pluvieux. Compagnie plutôt désagréable, car c'est là qu'il faut ramper, couché dans l'eau. Avant de s'y engager, la corde est fixée à une solide stalagmite en prévision d'une descente de six mètres qui s'amorce après le goulot. Ensuite c'est une descente facile au fond d'un couloir capricieux, en pente douce, qui s'élève parfois à plus de 25 mètres au-dessus de l'explorateur, jusqu'à une petite nappe d'eau qui arrête la descente à 82 mètres sous le niveau du bord du chantoir. Ensuite aussi, c'est la révélation d'une grotte incomparable, où se succèdent stalactites grandioses, délicates cristallisations, draperies somptueuses et ondoyantes, jolis bassins d'eau cristalline, le tout d'une blancheur éclatante !

On a peine à croire que le hasard soit le seul architecte de constructions si régulières, si harmonieuses, si finement ciselées. On admire sans se lasser ces reliefs prestigieux façonnés par la nature en un travail millénaire, au fond de recoins que la lumière a toujours ignorés et l'on éprouve un srupule mêlé d'ivresse à violer ces temples vierges de tout regard."

Malheureusement, toutes ces merveilles ont été saccagées en quelques années: fréquentation anarchique de la grotte, vandalisme, pollution due  aux émanations  des lampes à carbure, déversoir des égouts du village...

 

En surface, le travail d'érosion se poursuit sournoisement. Les chantoirs s'élargissent, Les dolines se creusent davantage. Il n'est pas rare d'oberver des effondrements comme le montre la photo ci-contre. Il va sans dire que l'instabilité du sol montois est un peu redoutée des agriculteurs. Il arrive qu'un tracteur s'y retrouve parfois prisonnier. Même le réseau routier en subit les conséquences comme c'est souvent le cas à proximité de l'église où l'affaissement du tarmac ici et là n'est pas rare.